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Perchoirs à rapaces et biocontrôle des rongeurs dans les cultures : études de cas

Gérard GUILLOT Zoom-nature.fr


EFFECTS OF PERCH LOCATION ON WINTERING RAPTOR USE OF ARTIFICIAL PERCHES IN A CALIFORNIA VINEYARD EMILY L. WONG et al. J. Raptor Res. 52(2) :250–256 O2018


Contexte : vignoble de Californie : zone de collines avec en bas une plaine traversée par rivière avec forêt riveraine étroite. Producteurs incités à installer des perchoirs par des incitations gouvernementales et des industriels viticoles

Ravageurs ciblés : campagnols et écureuils terrestres

Matériel : Pose de 40 perchoirs artificiels : 6,4m de haut en acier ; diamètre : 2cm ; enfoncés de 60cm dans le sol : dépassent donc de 5,5/5,8m ; perchoir boulonné au sommet : pièce de bois de fût (chêne) de 4,5 x 3,8 x 2,5cm

Implantation : perchoirs couplés (pour l’expérimentation) : au sommet d’une pente raide versus en bas de pente raide ; au milieu d’arbres versus sans arbres (au moins à 200m de zone boisée)

Pièges photos braqués sur les perchoirs, placés à 1-3m : avantage de suivi permanent et pas de dérangement pour le suivi ; relevés toutes les semaines

Espèces observées : rapaces diurnes et nocturnes et grand corbeau

Limites : beaucoup d’échecs dans les prises de vue (interprétation, mesures des durées, …) ; comparaisons entre emplacements opposés souvent très limités en nombre de données ; travail sur un seul vignoble.

Pas de suivi des espèces qui chassent en vol sans se poser notamment en hiver (aigles, busards, …).

Proximité d’un massif montagneux riche en rapaces et corridor riparien dans la plaine.


RESULTATS

Utilisation par espèces : Crécerelle américain (48 fois) ; Effraie (13) ; Grand-duc de Virginie (101) ; Aigle royal (38) ; Buse de Harris (183) ; Grand corbeau (36). Aussi des passereaux

En haut ou en bas de la colline : les rapaces restent plus longtemps (8 minutes en moyenne ; 3 fois plus) sur les perchoirs en haut par rapport à ceux d’en bas ; ceux du haut sont plus utilisés (2,6% versus 0,5%) ; pas de différences dans le nombre de fois qu’un perchoir est utilisé par heure ou dans le nombre total d’espèces observées sur les perches chaque semaine

Avec ou sans arbres : (peu de données) pas de différences significatives

Emplacement et usage : pas de crécerelles sur les perchoirs en haut de colline ni parmi les arbres : préfèrent un habitat ouvert en fond de vallée ; inversement, les effraies utilisent les perchoirs parmi les arbres et plus vers le sommet ; grand-ducs utilisent aussi bien celles du haut et du bas mais plus dans les habitats ouverts qu’avec des arbres.


DISCUSSION

Plusieurs espèces utilisent régulièrement ces perchoirs : la plupart d’entre eux ont l’habitude de chasser depuis des postes élevés ; ceci expliquerait le choix préférentiel vers le haut de la colline et en milieu ouvert. En milieu ouvert, les perchoirs sont les seuls sites élevés depuis lesquels ils peuvent chasser ; à part le crécerelle, la majorité préfère le haut du vignoble.

Certains des oiseaux filmés ont consommé des proies sur les perchoirs : lapins et souris ; pas de suivi des populations de rongeurs et ravageurs.


EFFECT OF ARTIFICIAL PERCHES AND NESTS IN ATTRACTING RAPTORS TO ORCHARDS. LEONARD R. ASKHAM Proc. 14th Vertebr. Pest Conf. (L.R. Davis and R.E. Marsh, Eds.) Published at Univ. of Calif., Davis. 1990.


Contexte : USA (état de Washington) : 3 vergers avec forte population de rongeurs ; vergers matures avec au moins 6 ans de problèmes avec les rongeurs ; au moins 8 ha pour installer perchoirs et nichoirs ; un point d’observation permettant de surveiller tout le verger ; vergers de 20-25 ans

Ravageurs ciblés : campagnols (suivi des populations)

Matériel : Verger 1 : 18 perchoirs répartis tous les 4ha ; 4 nichoirs à crécerelles et 1 nichoir à effraie. Verger 2 : 20 perchoirs ; 4 nichoirs à crécerelles et 2 à effraies ; verger 3 : 19 perchoirs et 5 nichoirs

Perches en pin de 7,6m de long et enfoncées de 1-1,5m dans le sol ; nichoirs en haut de poteau de 8-9m de haut et habillés d’écorce de pin

Suivi : observations indirectes via la collecte des pelotes ou directes diurnes : séances de 30 min à 5 heures pour observer l’usage des perchoirs, l’activité de chasse et le comportement en vol ; quelques séances nocturnes : repasse de cris des différentes espèces potentielles. Relevés de végétation : structure ; couverture au sol

Limites : sur une seule année ; échec des nichoirs


RESULTATS

Aucun des 9 nichoirs à effraie n’a été occupé et 13% des nichoirs à crécerelles occupés par espèce ciblée (autres oiseaux et abeilles en occupent 36%) ; seuls 5 jeunes ont été élevés ; les autres nichées ont été intoxiquées par les traitements.

236 h d’observations de décembre à mai. Jusqu’en février, aucune utilisation notée des perchoirs malgré présence de buses de Harris et Pie grièche grise ; ensuite les Crécerelles arrivent et les utilisent ; réponses de nocturnes seulement en février (Grand-duc de Virginie et nyctale : aucun observé sur perchoirs).

Usage des perchoirs : 200 h en 02, 320h en 03, 2570h en 04 et 2390h en 05

Comptage pelotes : indique une forte activité des rapaces sur l’ensemble de la période avec une dominance de restes de mammifères ; plus de 55% des pelotes renfermaient de nombreuses proies ;

4 espèces de petits mammifères dont 3 de rongeurs ; populations de campagnols (Microtus) allaient de 150 à 1500/0,4ha

L’activité des campagnols baisse lentement entre 12 et 01 (3,5%) puis augmente jusqu’en 04 (21,75%) avant de décliner en mai (11,25%). Entre 01 et 05, l’activité des campagnols était significativement moindre dans les vergers équipés par rapport aux parcelles tests. Le verger avec la plus forte concentration de crécerelles a eu généralement plus d’activité des campagnols que les deux autres et les parcelles contrôles (sans équipements).

En été, ces vergers irrigués sont luxuriants au milieu d’une zone désertique ; en 10, le sol est couvert d’un tapis dense d’herbes sèches, d’adventices, de tailles de branches, feuilles mortes et pommes et les pommiers sont nus ; 12 : la neige s’installe et dure sur 3 mois ; en 03, la neige a fondu et les bourgeons gonflent et des herbes pointent ; 04 : pleine floraison et feuillage

Vergers avec de nombreux grands arbres (pins, peupliers) poussant à proximité (rayon de 800m)

Pommiers de 4 à 5m de haut, 15-20 ans en rangées espacées de 3 à 6m ; souvent des groupes de jeunes arbres interplantés

Biomasse végétale herbacée au sein des rangs environ 25% plus élevée qu’entre les rangs avec le maximum (800g/m2 de mat. sèche) en mars puis décroît de 50% en 04 et réaugmente ensuite ; la hauteur augmente régulièrement jusque mi 05 avec les premières tontes. A partir d’avril, les producteurs sont présents dans les parcelles de 1 à 3 fois/semaine avec les activités de fauche, taille et traitements. Sur certains des vergers, trafic routier non loin et habitations et routes ; les dérangements sont plus ou moins marqués d’un verger à l’autre.


DISCUSSION

Rapaces diurnes, nocturnes, crécerelles (C) et pie-grièche (PG) ont été attirés vers les 3 sites aménagés. Plus d’oiseaux semblent avoir été attirés vers les vergers où on avait mis des nichoirs et des perchoirs (déjà observé dans travaux antérieurs).

Avec l’avancée de la belle saison de l’hiver vers le printemps, l’usage a évolué. Les rapaces diurnes et nocturnes et les PG, dominants de 12 à 02 sont graduellement remplacés par C en 03, 04 jusqu’à devenir dominants en 05 et 06. Bien que le nombre total d’oiseaux observés baisse en 05, le changement est infime si on ajuste par rapport à la longueur du jour et la fréquence d’observation.

La biomasse herbacée et sa hauteur en-dessous de 40cm ne semblent pas être un facteur limitant pour l’attraction des rapaces. La biomasse totale entre les rangs où les oiseaux chassent le plus reste largement constante. La hauteur augmente sous et entre les rangs jusqu’à la fauche des entre rangs en mai : mais même ceci ne semble pas avoir d’impact sur l’usage des perchoirs.

A partir de la variété des proies trouvées dans les pelotes récoltées sur site, on peut conclure que les campagnols, bien que partie importante du régime, ne sont pas les seuls chassés. L’activité des campagnols augmente graduellement jusqu’en 04 et ensuite décline en 05, phénomène observé partout dans cette région du NW Pacifique ; sur le verger avec l’usage le moins élevé par les rapaces, l’activité des campagnols a continué d’augmenter à un rythme plus élevé que dans les parcelles témoins (non équipées) sur toute la période ; sur ce site l’activité a fluctué de 12 à 02 avant d’augmenter en 03, 05. Un seul verger a vu une baisse de l’activité des campagnols au moment des pics d’usage des rapaces mais pour autant cet usage n’était pas plus élevé que sur l’autre verger. Ces données confirment des observations déjà faites antérieurement : certaines populations de rongeurs sont affectées mais d’autres pas.

La présence ou pas de grands arbres à proximité ne semble pas avoir d’impact sur le nombre de rapaces attirés. Par contre, des sources de dérangements à proximité (routes, habitations) font nettement baisser la fréquentation.


BILAN

Les perchoirs augmentent la présence des rapaces sur 2 sites mais pas les nichoirs ; les vergers sont peu utilisés en hiver ; l’usage augmente au printemps avec l’arrivée des crécerelles. La biomasse herbacée change peu sur la saison ; la hauteur augmente mais ne semble pas limiter car le nombre de proies dans les pelotes ne cesse d’augmenter sur la saison. Les populations de campagnols ont pu être affectées suite à cette attraction de rapaces au moins sur certains vergers. La faible acceptation des nichoirs provient peut-être de problèmes d’emplacements. La proximité d’implantations humaines et de dérangements pourrait être un facteur limitant et expliquer les échecs.



Biocontrol of common vole populations by avian predators versus rodenticide application Ivo MACHAR et al. Polish Journal of Ecology · 2017


Contexte : Est de Tchéquie ; paysage extensif de « steppe agricole » de terres cultivées (absence de boisements) : céréales d’hiver, orge de printemps, betterave, maïs et un peu de pommes de terre, colza d’hiver et luzerne ; climat continental ; usage de pesticides sans aucune restriction dont des rodenticides

Ravageurs ciblés : campagnols des champs avec pullulations selon cycles de 5 ou 6 ans

Matériel : Perchoirs artificiels de 2m de haut avec un T au sommet

Implantation : programme pluri annuel depuis 2005 : implantés dans les chaumes de céréales non labourés en automne ; 5/ha ; 625 installées en une année

Coût des 5 perchoirs hors taxes 5 à 6 euros/ha

En 2005/06 et 2009/10 pullulation locale de campagnol des champs sur les chaumes semés de couvert intermédiaire

Limites : les zones témoins utilisées sont des champs le long des transects mais pas des zones étendues hors du secteur étudié ; mais on sait que la baisse générale observée des rongeurs est un processus général dans les paysages agricoles à grande échelle.

Comptages des rapaces sur les champs aménagés (et champs témoins du même type) ; comptages le long de transects depuis des routes locales ; 2 fois/mois de 08 à 03

Application de rodenticide : pas d’applications les années de baisse des populations ; les années d’augmentation (d’après le nombre de terriers qui dépasse alors 2100/ha), application de Lanirat Micro à base de bromadiolone (anticoagulant) à 0,005% sous forme de granules insérés manuellement dans terriers (5g/terrier) ; uniquement appliqué dans chaumes de céréales avec couvert de fourragères sans perchoirs installés

Abondance généralement basse des campagnols dans champs labourés ou avec d’autres cultures même lors des pullulations. Évaluation du coût économique facile.



RESULTATS

7 espèces de rapaces observées sur les sites aménagés avec des pullulations dont deux dominantes la buse (B) et le crécerelle (C).

Nette préférence envers les champs avec des perchoirs pour ces deux espèces lors des pullulations ; le busard des roseaux a aussi été observé comme espèce associée pendant toute la période d’étude avec le nid le plus proche à environ 2 km ; le busard cendré observé sporadiquement en dehors de l’automne avec un nid proche des sites ; la buse pattue parfois en hiver ; ponctuellement l’épervier le long d’éléments semi naturels linéaires

Effet des perchoirs sur l’abondance des campagnols pendant un épisode de pullulation :




En ordonnées : en haut : Densité de rapaces (observations/km2) ; en bas : abondance de campagnols (nombre de terriers en activité/ha.


La densité des 2 rapaces dominants B et C, spécialisés dans la chasse aux campagnols, dépend de présence/absence de perchoirs : densité faible dans champs non équipés alors que la population de campagnol explose ; versus densité remarquablement élevée dans les parcelles équipées (différence significative et testée).

Lors de la seconde année des deux épisodes (2006 et 2010), la population de campagnols a chuté brutalement sur tous les sites indépendamment de leur usage agricole et du type de gestion des rongeurs (chimique vs biologique par perchoirs) ; les dégâts engendrés en 2006 et 2010 ont baissé de la même manière sous le seuil de dommage économique (EIL) avec les deux modes de gestion ; par rapport aux objectifs de gestion des ravageurs, les deux méthodes mises en œuvre sont de même efficacité

Le coût financier selon les deux approches : le biocontrôle ne représente que 45 et 48% (2006 et 2010) du coût total par rodenticide soit deux fois moins.


DISCUSSION et CONCLUSIONS

Des études antérieures indiquent que des prédateurs aviens peuvent contrôler l’abondance de mammifères ravageurs dans des paysages agricoles pourvu que les dits ravageurs n’atteignent pas le pic de leurs cycles de pullulations. L’efficacité de ce contrôle peut dépendre cependant d’une période spécifique au sein des années successives des gradations cycliques. Dans certains cas, les rapaces peuvent probablement réduire les niveaux de populations des campagnols des champs pendant la phase croissante du cycle.

Les cas les plus fréquents dans ces paysages sont probablement ceux où des prédateurs vertébrés gardent les populations des proies en dessous de leur capacité d’explosion. Un exemple typique serait la pression de prédation lente mais persistante de l’effraie ; là, le prédateur réduit les effets de la compétition interspécifique qui en retour supprime le principe d’exclusion compétitive de l’espèce la plus faible dans l’écosystème.

La présence accrue de rapaces sur les champs agricoles avec des perchoirs installés peut significativement accroître la pression de prédation sur la population de rongeurs ravageurs. Les résultats obtenus ici correspondent à cette situation.

La gestion intégrée devrait considérer que la pression de prédation sur les campagnols en utilisant des perchoirs peut être appuyée par la pose de nichoirs pour soutenir artificiellement les populations nicheuses locales de rapaces (effraie et C) au printemps si le couvert végétal est bas. Ici les résultats suggèrent que la pose de perchoirs dans les champs avec de fortes abondances de campagnols soutient la présence accrue des rapaces. Si on prend comme indice l’abondance des rapaces pour estimer la prédation locale, la pression de prédation a été augmentée de 8 ou 9 fois (2005/06 et 2009/10) par rapport aux champs non équipés (mais cet indice ne mesure pas forcément vraiment la pression). Recourir aux prédateurs dans la gestion des campagnols par cette méthode serait utile en agriculture bio et dans les paysages agricoles avec des usages interdits ou restreints des rodenticides. Les résultats du suivi des rapaces mené pendant les pullulations suggèrent que les perchoirs installés hors saison de reproduction augmentent significativement l’attractivité de ces parcelles pour que des rapaces viennent y chasser les campagnols. En Europe centrale, ceci vaut surtout pour la B et le C. l’accroissement de l’abondance des prédateurs aviens en milieu agricole pendant la période hors nidification est à long terme (basiquement ceci dépend uniquement de la période pendant laquelle les perchoirs sont installés et les méthodes agro technologiques utilisées). Ceci suggère que l’on peut délibérément inciter une présence accrue de rapaces sur des champs avec de fortes abondances de campagnols en installant ces perchoirs.

La comparaison financière pour l’usage des perchoirs par rapport à l’application de rodenticides va nettement en faveur de la méthode des perchoirs. Néanmoins, la simple comparaison de coût des 2 méthodes présentée ici est seulement superficielle et basée sur les données d’une seule région agricole. Peut-on transférer la validité de ces données à d’autres régions ? Il reste à entreprendre d’autres études pour mieux évaluer l’efficacité et voir ce qui se passe dans des contextes agricoles différents.


Killing time in cover crops? Artificial perches promote field use by raptors Megan E. Zagorski ; Robert K. Swihart Ann Appl Biol. 2020;177:358–366.


La gestion proactive est préférable pour contrôler les populations de vertébrés ravageurs capables de croître très vite et de causer des dégâts. Quand les populations de proies sont basses, les prédateurs ont le potentiel de limiter les proies vertébrées même si ces réponses sont insuffisantes pour limiter les populations aux densités pics ou proches des pics. Encourager les prédateurs devrait donc être un outil dans les programmes de contrôle des ravageurs vertébrés. Pour les rapaces, de tels efforts impliquent souvent de fournir un habitat supplémentaire par ajout de nichoirs, de plateformes nourrissage et de perchoirs. Même si les rapaces sont attirés par ces manipulations d’habitat, ils peinent à contrôler les proies à hautes densités : en général les rapaces attirés vers zones aménagées se montrent aptes à réduire les populations de rongeurs et les dégâts associés. En Espagne, les populations de campagnol des champs sont à densités plus basses dans les zones équipées de nichoirs de effraies et crécerelles que dans zones sans nichoirs. L’amélioration de l’habitat des rapaces renferme donc un potentiel comme aspect valorisable de programmes anti ravageurs, surtout dans paysages agricoles

Globalement, les ravageurs vertébrés causent plus de 1 Milliard de dégâts aux cultures/an. Les rongeurs ravageurs sont souvent contrôlés par des rodenticides connus comme étant à hauts risques pour vie sauvage non ciblée. Donc les programmes de gestion intégrée de ravageurs et les autres formes de contrôles à bénéfices écologiques sont de plus en plus populaires. Pour une large gamme de produits agricoles, de tels programmes incluent souvent la prédation. Dans les plantations de pins américains au Chili, la modification de l’habitat et l’ajout de perchoirs artificiels a réduit les dégâts de rongeurs quand les densités de rapaces sont fortes. Dans des rizières de Malaisie, les effraies attirées via nichoirs ont réduit les dégâts des rongeurs tout comme les rapaces chassant depuis des perchoirs artificiels dans des champs de maïs au Kenya. L’occupation de nichoirs par des effraies dans des champs de luzerne en Israël augmente les rendements.

Mais la majorité des études antérieures se sont faites dans des systèmes agricoles très différents de ceux des plaines des USA dominés depuis plus de 50 ans par la culture intensive dans de grands champs (moyenne de 33ha dans l’Iowa) selon des rotations à 2-3 cultures sur 2 ou 3 ans avec une seule culture par an. La tendance à adopter des pratiques écologiquement favorables comme les cultures intermédiaires et d’accompagnement (couverture du sol) ou le non labour se développe ; les couverts végétaux sont très en vogue dans le MidWest depuis une décennie ( Indiana : plus de 375 000 ha en CI chaque année depuis 2014) : ce sont des cultures semées après moisson pour abaisser les imports chimiques et améliorer le rendement via un sol enrichi et améliorer la qualité eau (anti lessivage), supprimer les adventices et baisser l’érosion sol, sa compaction et le ruissellement ; la plupart incluent du seigle de l’avoine des radis ou du colza, trèfle incarnat ou pois d’hiver pois hiver. En plus des services rendus à l’agriculture, il y a ceux par rapport à la vie sauvage comme fournir du couvert en hiver et au début printemps. A part les pollinisateurs et autres insectes auxiliaires bénéfiques, les habitats de vie sauvage ne sont pas la motivation primaire pour adopter ces couverts végétaux ; les études montrent qu’ils augmentent la diversité des reptiles et abeilles indigènes et servent gîte permettant une abondance accrue des oiseaux par rapport champs sans cette couverture. Mais ils peuvent aussi bénéficier à des ravageurs dont les campagnols : dans l’Indiana les plaintes se multiplient par rapport aux hauts niveaux dégâts campagnols dans les cultures de soja avec une couverture herbacée lors de printemps pluvieux et de semis tardifs ; les producteurs menacent d’abandonner cette couverture.

L’ajout de perchoirs pourrait résoudre ce problème et encourager les rapaces à chasser dans ces champs avec couverture herbacée, diminuant le recours aux rodenticides coûteux économiquement et écologiquement. De nombreux rapaces du Midwest sont des prédateurs efficaces de campagnols qu’ils chassent depuis des perchoirs dans ces régions de grandes cultures : poteaux télégraphiques ou électriques, clôtures pu panneaux signalisation ; le crécerelle américain chasse aussi avec le vol du St Esprit et est donc non contraint strictement mais les perchoirs restent pour lui moins coûteux en énergie que la chasse en vol sur place. Il y a débat quant à savoir quelle technique de chasse des crécerelles est la plus efficace mais en Californie ils chassent sur des perchoirs plus de 70% du temps ; donc installer des perchoirs faciles d’accès dans habitats propices à la chasse pourrait encourager la prédation dans des lieux auparavant non exploités.


Contexte : Indiana, USA (Midwest) ; 17 champs au total : soja semé au printemps avec couverture de seigle ; cultures dominées par la rotation maïs/soja ; S : 16 à 85 ha

Sur 2 ans

Ravageurs ciblés : deux espèces de rongeurs dont un campagnol

Matériel : 51 perchoirs de 3m de haut ; installées temporairement dans l’année (amovibles) : février à avril ou janvier à mai

Implantation : Pour un champ donné, 3 positions par rapport à un élément seminaturel : 50, 125 et 200m ; pendant une période de creux dans les populations de campagnol

Piège photo placé à 2-5m du perchoir


RESULTATS

257 usages de perchoirs sur 3433 jours de vidéo ; sur 2 ans, 42/51 utilisés soit 82 % ; au moins 1usage/champ mais selon le champ, l’usage va de 1 à 58 fois avec un usage moyen de 15 fois.

2019 : 2 semaines après installation déjà utilisés par 4 espèces : Crécerelle américaine ; Grand- Duc de Virginie, Buse de Harris et Buse pattue ; le grand-duc est l’espèce qui a le plus utilisé ces perchoirs ; 8 images concernent un usage par des non-rapaces (passereaux, pigeons). Les perchoirs situés à 125 m ne sont pas utilisées plus que celles à 50 mais celles à 200m le sont 1,7 fois plus que celles à 50m


DISCUSSION

En système intensif, les rapaces utilisent ces perchoirs installés et de préférence ceux situés au moins à 200m bordures de champs (au-delà non testé) ; avant l’installation la seule chasse possible était le vol sur place (crécerelle et Buse pattue) ou les espèces qui chassent en vol bas (Busards et Hibou des marais). Avant l’implantation, les rapaces étaient confinés sur les bordures où se trouvent des perchoirs existant (arbres, lignes électriques et clôtures) ; les nouveaux perchoirs sont vite découverts et utilisés : ils semblent recherchés et appréciés car ils élargissent considérablement l’aire de chasse facile donnant accès à l’intérieur des champs, auparavant inexploités par ces espèces.

Tendances saisonnières : la neige qui domine de janvier à mars a dû décourager les rapaces qui chassent à vue comme les crécerelles et les buses alors que le grand-duc chasse aussi à l’ouïe et peut repérer ses proies même sous la neige ; les crécerelles sont très sensibles à la neige ; par temps de neige seuls des grands-ducs sont observés. Selon la phénologie de la reproduction : usage maximal selon la date d’initiation pontes ; grand-duc : commence de janvier à mi-mars ; buse de Harris de mi à fin mars ; Crécerelle : de fin 03 à fin 06 avec un pic fin 04 ; avant le début de la ponte, les oiseaux sont occupés à la délimitation du territoire : les perchoirs peuvent alors être alors utilisés pour çà ; après le début de l’incubation, la femelle est liée au nid ce qui baisse le nombre de rapaces observés sur les perchoirs ; les champs sont moins favorables que les habitats semi-naturels proches et ne sont pas l’ habitat le plus intéressant surtout vu la charge qui incombe aux mâles . Les rapaces en France chassent surtout sur les bordures de champs et bords de routes plutôt que dans les champs cultivés : les rapaces doivent donc chasser de préférence sur ces zones de bordures et ne venir dans les champs que secondairement.

L’usage des perchoirs par les Crécerelles est influencé par le régime : la hauteur de la végétation est un facteur clé pour le choix de l’habitat de chasse des rapaces diurnes qui préfèrent une végétation plus basse et éparse ; la couverture herbacée excède la hauteur idéale dès les semaines précédant la fin du printemps ; contrairement au grand-duc et aux buses , les crécerelles ajoutent des invertébrés au printemps et en été ; les insectes peuvent donc attirer les crécerelles vers les perchoirs jusque tard au printemps même si la couverture herbacée ferme l’accès tôt aux buses et aux grands-ducs. Les effets des perchoirs sur le régime seraient à étudier.

Malgré leur pouvoir attractif, la probabilité globale d’usage reste assez basse et probablement insuffisante à réduire significativement les populations de rongeurs ; leur faible utilisation reflète aussi la faible densité de rapaces, un fait commun dans de telles zones agricoles.

La prédation est connue comme peu efficace quand les densités de prédateurs sont basses ou les populations de proies hautes. Ex : les rapaces sont sans impact sur des populations élevées de pocket gopher(Thomomys bottae) dans des luzernes ni n’affectent les densités élevées de campagnols Microtus « offerts » aux rapaces dans des petits enclos dans l’Oregon en dépit de la forte présence de rapaces.

Pour des densités réduites de rongeurs, les rapaces peuvent être plus efficaces pour atténuer les dégâts ; ici l’usage des perchoirs varie fortement selon les champs ; peut-être que champs les plus chassés se trouvaient au sein de territoires ? Même si les rapaces adoptent vite les perchoirs, leur usage peut continuer à augmenter quand les rapaces s’ajustent à leur présence et les incluent dans leurs nouveaux territoires ; il faudrait étudier la place des perchoirs dans délimitation territoires.

Pas d’interactions antagonistes observées entre espèces de rapaces : elles pourraient être limitantes si les densités de rapaces étaient élevées ou si les perchoirs étaient placés près de nids occupés ; jusqu’à trois individus différents ont pu occuper un même perchoir dans un même champ sans incident ; pourtant, ils sont capables de se prédater entre eux (grand-duc notamment super prédateur) mais les perchoirs ont peu de chances d’augmenter ce risque de prédation ; par ex les territoires des buses et grands-ducs se superposent souvent sans incident.

Des améliorations dans la conception de nos perchoirs auraient pu augmenter la prédation et la pression sur les campagnols ; il y avait seulement 3 perchoirs/champ : en mettre plus pourrait augmenter leur usage en fournissant de nouveaux sites de chasse ; dans plusieurs de nos champs, les perchoirs ont peut-être été placés dans des zones sans fortes populations de rongeurs ou avec un bon habitat de chasse.

Augmenter le nombre de perchoirs augmente la couverture visuelle des champs et probablement donc l’usage des perchoirs ; les rapaces tendent à choisir les plus hauts : augmenter la hauteur doit accroître l’usage ; crécerelles et grand-duc utilisent des perchoirs de 2,5m en l’absence de perchoirs de 5m mais quand les deux hauteurs sont offertes ensemble, ils utilisent les plus hauts ; ceci a déjà observé dans d’autres études ; ici les perchoirs mesuraient 3m donc au niveau inférieur par rapport aux autres études (de 1,5 à 9m) ; la hauteur moyenne des perchoirs utilisés par les buses de Harris est de 6-11m et 5-8m pour les crécerelles ; des perchoirs plus bas comme des poteaux clôture étaient disponibles sur la zone d’étude : les sites préférés étaient typiquement élevés comme des lignes électriques hautes de 5-6m pour Crécerelles ou des de arbres 20 30m pour les buses ; mais dans le Midwest vu les hivers rudes et venteux augmenter au-delà 6m est sans doute non souhaitable.

Des perchoirs plus hauts impliquent des poteaux plus solides et plus gros et enterrés plus profond ; les gels extrêmes soulèvent alors les perchoirs ; la durabilité est aléatoire lors des tempêtes ; opter pour des perchoirs permanents (ici ils étaient temporaires et retirés une partie de l’année )permet de bénéficier de la prédation à divers moments de la culture : par ex pour la levée semences, moment critique. ; les zones adjacentes semi-naturelles sont plus riches en campagnols attirent plus les prédateurs ; la pose de nichoirs augmente possibilité d’augmenter l’usage des perchoirs : un nichoir occupé allonge de facto temps l’usage des perchoirs adjacents. Encourager aussi les prédateurs terrestres carnivores (belettes, renards, …) ; choisir un couvert herbacé de sous-culture moins haut.


Response of American kestrels and gray-tailed voles to vegetation height and supplemental perches Lisa M. Sheffield et al. Can. J. Zool. 79: 380–385 (2001)


Remarque : Le crécerelle américain est bien plus petit que le crécerelle eurasien : pour autant les deux espèces semblent être des équivalents écologiques : tous deux sont des chasseurs versatiles de milieux ouverts qui se nourrissent de manière opportuniste de nombreux invertébrés et de petites proies vertébrées. Tous les deux cachent leurs proies vertébrées pour les consommer plus tard. Leur technique de chasse est typique des crécerelles : ils chassent principalement depuis des perchoirs élevés ou en vol stationnaire et capturent l’essentiel de leurs proies au sol. On doit pouvoir donc transposer les études sur le crécerelle américain à notre crécerelle.



En hiver en Oregon, le Crécerelle américain (CA) se nourrit surtout de petits mammifères. La pose de perchoirs dans des habitats qui en sont dépourvus peut accroître la fréquentation des rapaces. L’absence de perchoirs dissuade les rapaces de chasser en dépit souvent d’une nourriture abondante. Les rapaces les utilisent pour chasser, manger et se reposer. Fournir des perchoirs permet aux rapaces d’économiser de l’énergie dépensée à chasser et augmente l’accessibilité aux proies dans des zones qui autrement des moyens moins efficaces (du point de vue énergétique) de chasser comme le vol stationnaire. Les CA chassent presque exclusivement depuis des perchoirs quand ils sont disponibles. Des perchoirs supplémentaires ont accru la fréquence de rapaces chasseurs dans une large gamme d’habitats (voir autres études).

Le couvert végétal est un autre facteur clé pour le succès de chasse du CA et d’autres rapaces. La quantité de couvert végétal peut influer sur la prédation avienne sur les populations de campagnols et la densité de couvert végétal peut affecter à la fois la sélection de l’habitat de chasse et l’efficacité de capture de proie. De petits mammifères dans des habitats avec un couvert moindre sont probablement plus vulnérables à la prédation avienne, augmentant la probabilité que des rapaces chassent de manière sélective sur ces zones. On sait que les CA sélectionnent leurs proies sur la base de l’activité ou du mouvement et une végétation dense peut limiter leur capacité à localiser leur proie. Ils sont aussi capables de voir les traces de pistes marquées par l’urine ou les crottes des campagnols en lumière UV, leur permettant de détecter rapidement une abondance élevée de campagnols. Une végétation dense doit limiter la capacité des CA de voir de telles pistes. A cause de ces facteurs, faucher la végétation peut être un outil efficace pour réduire les populations de petits mammifères dans des zones où ils causent des dégâts aux cultures.

Quand faucher n’est pas une option de gestion, ajouter des perchoirs peut être une manière alternative de réduire les populations de petits rongeurs. Peu d’études ont exploré la réponse des proies à l’addition de perchoirs. Dans une étude de 94, il a été trouvé qu’ajouter des perchoirs abaissait le rythme de reproduction et la densité maximale de souris domestiques ; une étude de 99 rapporte une augmentation de 11 fois de la visite de sites à perchoirs par CA mais les populations de campagnols local (C à queue grise) ne furent pas significativement affectées : elles ont continué à augmenter tout au long de la durée de l’expérimentation. Les auteurs de cette étude proposent deux explications : d’abord, les hautes densités de campagnols rendaient impossibles la limitation des populations par les CA et ensuite le couvert végétal sur les sites équipés aurait pu limiter le succès de la prédation par les CA.

Cette étude a cherché à explorer ce qui passait en combinant les deux solutions tant pour les CA que pour les proies, des campagnols à queue grise.


Contexte : Oregon ; plaine de cultures diverses

Installation expérimentale : 24 enclos ouverts en l’air de 45 x 45m, entourés de bordures hautes de 90cm et enterrées d’autant pour empêcher fuite ou creusement de terriers ; prairies herbeuses semées dans enclos : les bords des enclos étaient les seuls perchoirs disponibles dans un rayon de 200m. selon les enclos, 4 traitements possibles combinant hauteur de herbe (20cm versus 5 après fauche) et présence de perchoirs en plus des bords de l’enclos (un perchoir de 3m de haut en T ajouté au centre enclos

Suivi visuel par blocs de 0,5 à 4h : observation des attaques et du succès ou pas

Dans chaque enclos : 20 campagnols marqués (10 mâles et 10 femelles) installés début novembre ; taille adulte : 40-50 gr ; 6 jeunes/portée ; reproduction de 03 à 11

Suivi de la population de chaque enclos

94h de suivi de 11 à 03 (hiver) : 148 observations de CA


DISCUSSION

Les CA chassent référentiellement dans les zones avec un couvert végétal plus bas et avec des perchoirs. Il semble que la présence de perchoirs élevés soit plus importante dans le choix des habitats de chasse que la présence de végétation basse. Le couvert végétal bas augmente la probabilité de localiser une proie et les perchoirs élevés permettent de chasser dans une position de repos moins coûteuse en énergie. Même si les CA localisent plus facilement une proie dans une végétation basse, chasser depuis un perchoir demande si peu d’effort qu’il peut être plus avantageux de chasser avec un couvert élevé dans ce cas. Avant l’ajout de perchoirs, les CA passaient le plus de temps sur les rebords des enclos à 0,9m de haut ; cette clôture a probablement affecté le succès des attaques avant et après l’ajout de perchoirs.

Les CA ne semblent pas se répartir selon la taille des populations de campagnols dans les enclos à courte végétation. Avant la pose du perchoir élevé, les CA chassaient préférentiellement dans les enclos à herbe basse même avec des populations de campagnols très basses (moins de 5) : ceci suggère qu’ils réagissent à des signaux liés aux caractéristiques de l’habitat plutôt qu’à l’abondance des proies. En France (2000) Meunier et al. ont observé que l’abondance des C européens le long des accotements n’était pas directement lié à la densité des proies ; la disponibilité en perchoirs (clôtures et lignes électriques) semblait être un facteur important pour attirer les CE vers les bords de routes.

Les données obtenues montrent que les populations de campagnols dans une végétation basse restent moindres que celles dans des enclos à herbe haute : diminuer la hauteur de l’herbe affecte négativement les populations. Une étude 1995 montre que les populations de campagnols baissent environ de 50% après une fauche quel que soit la densité initiale.

On note une tendance générale mais peu significative à des taux de recrutement (nouveaux jeunes) plus élevés dans les enclos à herbe haute que dans les enclos à herbe basse. Les perchoirs ajoutés ne semblent pas affecter le recrutement. Dans d’autres études, on a noté que les jeunes sont capturés plus souvent que les adultes par des rapaces. Réduire la hauteur de l’herbe serait donc un moyen efficace de contrôler les campagnols. Le nombre total, le taux de croissance et de recrutement sont négativement impactés quand on réduit la hauteur de l’herbe ; ajouter des perchoirs n’apporterait pas beaucoup plus ; mais ici les perchoirs ont été ajoutés en février alors que les populations étaient déjà basses après avoir passé l’hiver. En tout cas, les CA semblent bien capables d’agir sur les niveaux de populations indépendamment des perchoirs et de la hauteur du couvert.







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